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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 02:28

Grappe

 

 

Les grains bavardent clairs

au cœur de la nuit brune :

 

« Je mûrirai, dit l’un,

et désaltérerai le gosier d’un puissant,

la gorge d’un enfant,

le palais d’une reine.

 

- J’abreuverai, dit l’autre,

et je caresserai les papilles des hommes

quand je serai plus grand.

 

- Moi, dit encore un autre,

je ne mûrirai pas, je suis déjà mourant

car je vis dans la peur

de me voir englouti.

 

- Tu ne vivras jamais le plaisir du partage,

l’offrande de ton jus, la connaissance offerte,

la grume délivrée.

Dessèche-toi bien vite pour laisser de l’espace

aux autres grains pressés de devenir bouteille.

 

« A cheval sur le vin ! » Riez, frères humains !

 

La divine boisson sera notre chanson,

et nous galoperons en joyeux échansons

pour verser dans vos verres

les crus de l’univers.

 

 

 

                                                              Y.V.

 

 

 

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 02:22

 

LINTELLIGENCE DU VENT

 

 

 

Madame la marquise effleure le monde de son éventail multicolore. C’est un objet qu’elle a rapporté des Antilles, à la fois précieux par l’utilité qu’elle en peut en tirer, et superficiel par sa banalité. Quoique de bois rare et de vélin huilé, parcouru de fines ciselures nacrées et rehaussé de paillettes d’or, quand la marquise déploie d’un geste saccadé son éventail, l’objet semble ennuyé, mal à l’aise dans ce monde d’oisiveté et de latences contenues.

 

Elle le caresse alors du bout de ses mignonnes phalangettes et l’éventail soupire, repliant ses ailes entre cousues de fils de soie de Chine. L’objet se met à rêver, faisant l’inventaire de ses avatars, entre deux souffles d’air, entre deux battements amoureux et transis…

 

Il était une fois, perdu au milieu des montagnes, un merveilleux nuage, né de parents inconnus, comme sont les nuages, auto engendrés par d’humides chagrins célestes. Sa forme - indescriptible - lui donnait tour à tour la forme d’une tourterelle, d’un nez de chien et autres animaux en liberté non surveillée.

Il était changeant, dans un décor turbulent, mais, assuré d’une vie éternelle - du moins le croyait-il. Nourri d’azur et d’oxygène, il observait, de sa vue plongeante, le lent mouvement de la nature qui s’ébrouait radieusement au soleil, ou secouait sa crinière luisante de pluies éparses et d’ouragans fantastiques. Quand le tonnerre faisait résonner les vertèbres de la montagne couleur d’acier, le petit nuage, déguisé en courant d’air, soupirait avec envie au milieu du firmament. Lui aussi aurait voulu parcourir le monde à la recherche d’une amie, quelle que puisse être la forme de celle-ci, son allure. Il la voulait cependant assez mûre pour ne pas l’importuner par de niaises paroles du genre : « Rentrons vite à l’abri, il va encore pleuvoir ! » Ou bien : « Cesse de courir dehors par tous les temps, je n’arrive pas à te suivre ! »

 

Ce nuage rêvait d’utopies. Or, un jour, alors que le ciel dans sa splendeur nimbée d’étoiles agonisantes, ouvrait doucement la cicatrice de l’aube, il crut entrevoir, perchée sur un fil ténu - un improbable rayon de soleil levant - celle qu’il attendait depuis sa naissance : c’était une hirondelle, ou du moins, cette sorte d’oiseau venu d’Afrique et égaré dans les strates éthérés de cette aube montagneuse.

 

- Bonjour, lui dit le nuage. Je t’attendais.

 

L’oiseau, à moins que ce ne fût un papillon marron et plutôt gros, ne comprenait pas qui pouvait lui parler à travers l’éternité de cet azur quasi figé. L’animal ailé eut beau tendre l’oreille, il ne distinguait rien, rien que de blanches nuées teintées de bleu. Lui parvinrent tout de même des bribes ressemblant à : « …jour, …dais » ce qui risquait de compliquer l’ébauche d’une improbable histoire d’amour. La forme animale essaya de répondre :

 

- Je m’appelle Azria, fille de Jelfen et j’arrive d’Afrique du Nord. J’ai franchi des montagnes, des villages où chante le raisin, des plages aux vagues muettes, et survolé des têtes d’enfants rieurs, de vieillards tristes et de parents hébétés. J’ai vu l’Histoire se mordre les paumes, le Temps se déplumer comme un vieux coq aveugle. J’ai entendu le vent du Nord heurter la bouche des humains, poursuivre comme un tyran les bergers kabyles, les bûcherons des Aurès et les petites filles décharnées, renversées au bord des fontaines. J’ai senti l’odeur de la menthe et des oliviers aux frissons d’argent. Mais toi, qui m’as sans doute parlé, je ne te distingue pas. Tu es peut-être un savant égaré, une conscience paisible dans ta montagne isolée. Mais as-tu voyagé, as-tu respiré l’odeur de la poudre et entendu couler le sang opaque des blessures ?

 

Un silence alors se fit. Le petit nuage qui avait sans doute existé le temps d’un laps, pour construire un décor, ou pour en faire partie, avait disparu dans l’aube triste, chassé- il paraît - par un vent contraire.

Alors Azria n’entendant pas de réponse, reprit son vol en direction du grand Nord, là où les hirondelles ne meurent qu’après avoir prononcé le vœu de ne plus rencontrer les nuages.

 

Madame la marquise a refermé son éventail, car un vilain frisson issu de sa rêverie l’invite dans un souffle à regagner sa chambre. L’éventail est rangé dans son étui d’ébène. Le ciel se charge de noirceur.

 

 - Il va encore pleuvoir, dit la marquise à son cher éventail, désormais à l’abri au fond de la commode.

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 02:20

LE MURMURE DE L’AUBE

 

 

  – Chouf, mon frère, chouf ! Rigarde le djebel comme il est beau. Me dis pas que c’est pas biautifoule ! Rigarde ce paysage comme il est joli ! Chouf les petites chèvres là-bas, au bout d’mon doigt ! Rigarde le paradis sur terre ! Ecoute et respire la beauté de la nature, la musique de la rivière ! Icoute le murmure du ruisseau, là où viennent boire les chtites gazelles aux mamelles ardentes ! Chouf le lever de soleil sur l’oued de mon enfance. Nous sommes tous nés ici, mes frères et mes sœurs, au cœur de cette petite Kabylie, et toi tu viens di l’aut’ bout du monde là-bas, de la Bretagne française, pour tuer mes ancêtres et leur voler leur terre ! Toi et ton armée de sauvages, tu veux nous prendre nos montagnes, nos yeux, et nos oreilles ! Mais par Chitan, on ne va pas se laisser faire, t’es fou ou quoi ? On va te remettre sur ton bateau et t’envoyer valser la gavotte sur ton canot breton, toi et tes congénères ! T’es né comme moi, en pleine campagne, dans un petit Finisterre d’Europe et tu voudrais me faire croire que tes vaches croient en Dieu plus que les nôtres ! Tu veux nous envahir et nous coloniser au son des binious et nous bombarder tes bondieuseries à la figure ! Mais regarde-toi ! Avec ton costume de bagnard et ton drapeau taché de sang ! Arrête ton baratin, ton charabia, bref ton baragouin, tes beaux discours, et viens manger les dattes ! Allez ! J’i t’invite chez moi, à boire le lait de ma chèvre et trinquer à la santé de l’homme, pour la paix du monde et li plaisir du ventre...

 

Le deuxième classe Ronan Le Bris ne savait plus où il en était. Quel beau parleur ce Mouloud ! Quel brio et quelle humanité !

Un combat intérieur, une harmonie de tensions, tiraillait le brave soldat à hue et à dia. Comment se dépêtrer d’une telle lutte intérieure ? Le combat avec l’ange. Accepter ou refuser sans perdre la face ou son honneur ? Un solide mal de crâne s’installa dans cette tête de paysan breton, peu habitué à une telle dialectique intellectuelle. Il fallait bien choisir, avant que toute la troupe ne se réveille et commence à tirer dans le tas, mettre le feu aux mechtas, balancer les gosses contre les murs et poursuivre les femmes jusque dans les grottes pour les enfumer jusqu’à ce qu’elles sortent ; ensuite violer ces pauvres paysannes, méthodiquement, et leur faire voir du pays, les faire hurler avant de les abattre, de les mettre définitivement au rebut. Surtout que les hommes de troupe avaient pas mal picolé la veille. Du gros rouge d'Algérie, un vin épais qui vous collait la langue au palais - surtout quand on en buvait deux à trois litres...

Les hommes avaient la rage ! Crevaient de faim, de soif et d’ennui ! Un mois sans nouvelle du pays ! Coupés du monde, isolés dans ce trou perdu, dans cette montagne glacée la nuit et bouillante à midi !

Il ne fallait pas grand-chose pour mettre le feu aux poudres ! Se distraire, quoi !

Alors Ronan, dans un sursaut d’humanité, et après avoir embrassé la petite croix d’argent offerte par sa mère avant le départ pour l’Algérie, répondit dans un souffle :

  – Entendu, Mouloud ! Tu es un homme de paix et de parole ! J’apprécie et je respecte ton combat, ton Djihad. J’accepte ta proposition, mais il va falloir trouver une ruse pour éviter un massacre. Je compte sur toi et tes hommes pour calmer le jeu ! Tu n’as qu’à dire que les fellaghas sont venus hier et vous ont pris les quelques fusils et cartouches en votre possession, et que vous n’avez plus rien ! Dites que vous acceptez de leur offrir l’hospitalité, le gîte et le couvert pour quelques jours, et que vous êtes prêts à collaborer avec l’armée française. Ça devrait les calmer, pour un moment du moins. Planquez vos femmes et les gamins dans la forêt de cèdres un peu plus haut, et surtout, profil bas ! Mieux vaut passer pour des abrutis quelques heures et rester en vie pour longtemps.

 

  – Inch’Allah, mon frère ! Je pense que ta parole est saine et qu’aucun de nous deux ne cherche à trahir l’autre! Allez ! Marchons ensemble et que le destin nous protège !

 

Ils disparurent derrière un buisson d’épineux. Le soleil venait d’éclore sur le petit douar d’Aïn Gourdel, et commençait à rougir la face encore endormie des soldats du troisième régiment de tirailleurs de Rennes.

Les deux hommes avaient fait connaissance la veille, et cela, d’une étrange façon.

Mouloud Achour était un descendant de la tribu des Aït Ben Afliss. Dixième enfant d’une famille de petits agriculteurs kabyles, il était arrivé, à l’âge de vingt-deux ans, à la fin de ses études d’instituteur, à l’école normale de Blida. De taille moyenne, plutôt maigre, la lèvre supérieure ornée d’une mince moustache, Mouloud avait le regard acéré, deux boules sombres enfoncées dans un visage fiévreux, comme torturé en permanence par une insatisfaction de tous les instants.

 

Alors qu’il aspirait à enseigner dans son village natal, son douar idéalisé tout à l’heure sous le regard étonné de Ronan, la guerre, ou plutôt, la mission de pacification de l’Algérie, venait de s’installer comme un tyran absurde, sur le toit de cette région montagneuse et aride.

Ni Juif véritable, ni Arabe de souche, ni musulman pratiquant, ni Berbère convaincu, quoique pratiquant la langue berbère et le tamazight, Mouloud parlait l’arabe populaire et écrivait l’arabe classique, en plus du français, langue officielle de l’école républicaine. Il n’avait connu ni l’école coranique, ni l’endoctrinement religieux. Il était issu, en fait, des hasards de l’Histoire et, né en petite Kabylie de parents analphabètes, Mouloud avait eu la chance d’être élevé dans le culte de la nature et des ancêtres, hommes et femmes de la Terre, pénétrés de contes, de mythes et de légendes plus que de religion.

Dans cette société patriarcale qui allait s’effriter peu à peu, sous les coups de boutoir de l’exil - l’homme allant s’expatrier de plus en plus loin, ou se rapprochant des grandes villes algériennes - le rôle de la femme allait rapidement s’imposer, et Mouloud, apprécier de plus en plus ces femmes ingénieuses et courageuses qui allaient élever la marmaille et remplacer le mari absent, dans les champs et à la ferme. De même que la Bretagne avait connu l’absence de ses mâles, véritable chair à canon pendant la première guerre mondiale, de même, une partie de l’Algérie et du Maroc avait dû se séparer de ses forces vives qui étaient appelées comme soldats du contingent. Misère de la guerre et de la pauvreté, misère de la misère, ces hommes des deux rives de la Méditerranée, étaient déjà prisonniers de leurs destins et de l’Histoire, liés à la barbarie des gouvernants, plus ou moins soumis à des industriels replets, et à des militaires eux-mêmes soumis à de gros propriétaires terriens, qui étaient les véritables colonisateurs de l’Algérie depuis 1830.

 

Le sort des femmes venait de prendre un fameux tournant, et honneur à celles qui allaient se battre, suer sang et eau, pour sauver la tribu, la famille et le pays ! Par la ruse et le courage, par une abnégation de tous les instants, les femmes de Bretagne, de Kabylie, et d’ailleurs, allaient entraîner dans leur vaillance, par la force d’un indomptable levier, tout une génération de combattantes passionnées, prêtes à tout pour lutter contre les dieux modernes de la colonisation. Une citoyenneté nouvelle, née de l’absence des hommes, faisait lever la pâte grise de la Révolution. Chaque paysanne, chaque épouse, fiancée, sœur, nièce, tante, cousine, compagne, veuve, allait combattre l’envahisseur et le déposséder de son goût morbide pour la prédation, de cette ignoble volonté de puissance qui met à mal et détruit peu à peu toutes les civilisations, l’une après l’autre. Un chant d’amour sacré pour la terre et l’enfance allait inonder les champs de batailles et emporter toutes les haines.

 

C’était là le grand rêve de Mouloud, l’instituteur, c’était aussi le doux rêve de Ronan, loin de sa ferme bretonne. Ils en avaient parlé toute la nuit de ce bonheur d’être frères, de partager passions, sourires et larmes sous les étoiles d’un douar algérien. Mais, en cette année 195..., le soleil venait d’apparaître, et la suite des événements appartenait à la dure réalité, à la terrible épreuve des faits, sur le terrain de la mort et de la destruction.

Les deux hommes auraient voulu fuir l’Histoire. Elle les broya inexorablement, en quelques instants.

 

Alors qu’ils finissaient de dévaler la pente menant au douar, une compagnie de trois hélicoptères français les aperçut. Sans sommations, les soldats du ciel firent crépiter les mitrailleuses. Mouloud tomba le premier, déchiqueté par la rafale. Quant à Ronan Le Bris, coiffé du chèche de son ami, il eut beau agiter ses pauvres bras décharnés, peut-être en signe de dénégation, voire de colère, la mitrailleuse de l’hélico, à jets saccadés et têtus, lui broya les deux jambes. Son corps dévala. La tête du brave soldat heurta la pierre, avec violence. C’en fut fini d’une nuit d’amitié, sous les étoiles. La terre but le sang des deux hommes. Seul un murmure lointain se fit entendre.

 

La troupe alors se réveilla.

  

 

 

 

 

 

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 02:17

VOYAGINAIRES

 

 

Ou « Je ne veux plus mourir ... »

 

En hommageà L.F Céline,D. Chraïbi, M.K Eddine, et...à la femmeaimée.

 

 

Notre vie est un voyage dans une histoire qui pourrait débuter de la sorte, dès la sortie, la sortie des classes par exemple. Lui, il n’avait jamais rien dit, déçu et fatigué. Et puis voilà, un beau jour il s’est réveillé.

Envie de faire des phrases. Sortir de la mouscaille, d’une nuit noire comme un tableau. Mais comment faire avec seulement les mots ? « Au travail ! » se disait-il. Mais ça ne venait pas. A bout de nerfs, à bout de mots, le squelette de l’écriture lui riait déjà au nez. Le cadavre de l’alphabet traînait ses guêtres, usées. Pauvre pantin cravaté.

 

Sur la mauvaise pente, l’enfant glisse. Il emporte avec lui, sur ce toboggan de misère, la vérité et son cortège de silences assourdissants. De quoi perdre plusieurs fois les pédales. Jeux où l’on échoue d’avance, mais du moins, on le sait. La jeunesse de l’enfant, semeur en herbe, lui laisse des auréoles de lumière sous les paupières.

Il s’en fiche lui, de mentir pour de vrai. Alors, il s’invente une histoire, s’y invite. Pour dire que l’école est finie.

Mais comment sortir de ce théâtre ? Il n’est pas comédien. Juste un figurant muet. Mais maintenant il sait qu’il faut crier, qu’il faut hurler.

 

Balancer de la farce à la figure du monde. Revendiquer le rien pour être plein de tout. Sauter dans les flaques. Rire au zénith. Allumer des soleils dans la tête des vieilles dames lunatiques aux renards mités. Battre le pavé comme du bon pain. Dire ce qui lui plaît. Bouche décousue. Rivière de dents blanches. Arbres velus, pavés lubriques.

Lancer la mode du rien du tout, du tourbillon vide et chantant. Musiques sans paroles et paroles sans notes. Au bout du compte, le quai de la nuit.

Et l’océan mugit.

 

Blanco, le cheval échappé de la mer, s’empare du tout jeune homme. Le prend sous son aile. En route, pour trouer le cadran de l’horloge.

 

De l’autre côté de la vie, la vue est plus belle. De l’autre côté de la vue, la vie est si belle !

 

C’est Blanco qui martèle de ses sabots luisants cet inlassable chant, comme une ritournelle.

 

 

« Plus de mystère de ce côté, plus de misère en vérité.

Seul’ ma crinière est une fée,

un songe habillé en sorcière…

Mensonges.

Songe à cela, n’échappe pas

à l’essentiel tout ici-bas :

douceurs de miel,

douleurs, combats.

Une Andalousie, une arène

une parousie qui nous mène

toi contre moi, et moi pour toi. »

 

 

 

La traversée entraîne les deux compagnons - sans identité fixe - loin d’un paradis perdu qui n’a jamais existé, puisqu’il est à construire.

 

Le cheval et l’homme jeune avancent sur des grèves, évitent l’appel des coquillages, dont la chanson saoule et lancinante n’est que séduction de sirène. Eux vont - dans leurs voyaginaires - chercher ce qu’ils ne savent pas. Pour oublier l’Histoire, ils n’en édifient pas. Cavalier et monture se contentent d’un déplacement. Ils laissent, derrière et devant eux, les sables des instants nourris de vent, mourir.

Les pèlerins fourbus ferment, à chaque page tournée par la brise, les yeux des livres.

 

Enfin, ils abordent. La Délivrance est là, leur bateau de fortune. Le cheval et l’enfant de jadis s’embarquent au Levant, au levain du jour neuf. Un croûton de soleil perce avec peine la mie des nuages.

La voile vierge traverse une mer plutôt plate. Et derrière le bateau, un sillage qui voudrait s’inscrire, joue cependant à s’effacer.

 

- La route n’existe pas, dit alors le jeune homme.

 

 

- Le mouvement seul la crée, lui répond le cheval.

 

Et toutes les mouettes du ciel se mettent à crier et à braire, tels des ânes au printemps.

 

Maintenant, ils savaient. Les deux amis allaient la chercher ; celle qui leur « apparaissait commeune déesse bienveillante, car elle composaitavec les éléments,elle était les éléments et tout ce qui les embellissait aux yeux des hommes ; mais cétait au printemps, lorsqueles torrents frangésdécume bruneet duvetés de tamaris vertsroulaient un tam-tamde galets assourdis,quelle sépanouissait et devenait aussiaérienne quune antilope. Elle se confondaitavec la renaissancede la nature ».

 

Ils allaient chercher la femme, grâce ailée en liberté. Blanco avait vieilli, l’homme était jeune et fort.

 

De toute sa science, et de sa patience, la femme les attendait.

 

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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 23:56

Un roman à découvrir Yann Venner, Cocktail cruel Le polar viticole est actuellement en vogue et un certain nombre d'entre eux ont pour cadre la Bourgogne. Yann Venner, auteur originaire de Saint-Brieuc, situe l'action de son roman dans la Côte de Beaune, tout en ajoutant une dimension écologique à l'intrigue. Antoine de la Clairgerie, négociant en vins beaunois et producteur de cinéma décide de tourner un film sur Marguerite de Bourgogne et s'éprend de la belle Isabella Elgé, l'actrice qui incarne le rôle. En Bretagne, dans leur laboratoire, la mère et la tante de l'actrice, surnommées "les vignoleuses", produisent des préparations à base d'algues. Mais Isabella est assassinée. Le commissaire Létourneau mène l'enquête à Beaune tandis que son homologue Le Tellier fait de même en Bretagne… Poète à ses heures, Yann Venner conte cette histoire aussi originale que trépidante dans un style personnel mêlant suspense, humour et poésie. Éditions Le Cormoran. Guimaëc. 15 euros. Février 2010 ISBN 978 2 916687 09 4 Critique de Claude CHAPUIS, écrivain de Bourgogne, professeur à l’Ecole Supérieure de Commerce de Dijon.

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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 23:52

Un passé difficile

 

I

Non loin du village de Jobigny La Ronce,  à quelques lieues de Beaune, quand on quitte la Départementale Quatorze, se tenait la chapelle des Sœurs de la Charité. Grâce aux renseignements de mon ami Antoine de La Clairgerie, un ami bourguignon qui était  viticulteur dans la région, nous trouvâmes rapidement l’emplacement. Ayant laissé notre véhicule au bord d’un chemin forestier non carrossable, ce fut au bout d’une minute de marche que nous découvrîmes, le lieu saint.

Modeste par sa taille, discrète par sa position dissimulée derrière une vaste haie de platanes dressés comme de bienveillantes sentinelles, la construction du quinzième siècle occupait cependant une position stratégique. L’entrée de la chapelle, exposée plein sud,  offrait au premier regard une porte de bois noir aux deux lourds vantaux. Avant que le visiteur ne descende deux marches usées et polies, il pouvait admirer au-dessus de sa tête une voûte, avancée en surplomb. Parmi de vieilles dentelles ou broderies de pierres jaunies, trois gros blocs de calcaire ouvragé, telles des dents cariées – en arceaux, et recourbées en crocs de boucher s’avançaient, menaçantes.

On se sentait alors comme happé par cette affreuse bouche ouverte,  qui vous faisait frissonner alors que vous baissiez la tête pour pénétrer dans cet antre.

La haute porte, ouvragée par d’habiles mains de sculpteurs aujourd’hui devenus poussières, présentait de multiples symboles aujourd’hui effacés. Cet obstacle noir vous  invitait  - sur son étrange seuil – à une curiosité toute naturelle. Que l’on soit croyant ou non, une force vous poussait, contre votre gré, sans même que vous ayez le temps de vous poser la moindre question,  à pénétrer plus avant. Etaient-ce les deux têtes souriantes de lion sculptées, ou bien les larges ferrures horizontales si finement ciselées ? A moins que ne ce fut la couleur noire qui vous paraissait douce et réconfortante, soyeuse comme une peau d’animal ? Impossible de le dire…

On y entrait, un point c’est tout. Et l’austère bâtiment en pierre de Comblanchien vous avalait.

Tout d’abord, alors que clignotaient vos yeux, saisis par le contraste entre lumière et pénombre, tout votre corps vacillait. Un peu comme un effacement de vous-même, une absence.

Un vertige, léger, vous saisissait. Puis, passé ce bref délai, vos yeux s’ouvraient soudainement. Et tout en avançant vers la lumière diffuse et bleutée des vitraux,  votre personne entière devenait prisonnière  d’un bien fruste décor. Les murs écaillés ne laissaient plus deviner leurs anciennes couleurs ; l’autel nu, froid comme un cadavre reposant dans l’ombre, présentait une surface de marbre lisse. Un vase de verre à l’eau verdie laissait deviner trois tiges oubliées, croupissantes. Des pétales desséchés, légers comme des plumes, desquels toute vie était absente, reposaient sur la pierre dans un décor privé de toute vie. Seuls, deux moucherons ballotés par l’air que vous veniez de déplacer en entrant, voletaient au hasard, sans aucune destinée possible.

On eût dit un lieu à l’abandon, avec un Christ en croix, qui versait les dernières larmes d’un monde disparu. Haute de deux mètres, la poutre verticale présentait un bois fendillé mais brillant. L’autre partie de la croix, d’un bois plus sombre, et sur laquelle les mains clouées du supplicié semblaient toujours saigner, ne représentait pas même un angle droit. Le corps ainsi martyrisé souffrait – gauchement - dans la demi-obscurité. Et si la couronne d’épines recevait une maigre lumière diffusée par le vitrail en surplomb, toute la face du martyr criait dans le silence, à votre encontre.

Le visiteur, saisi alors d’une lourde empathie, sentait presque se mouvoir sa propre colonne vertébrale. Tel un serpent d’os, contraint par trop de muscles, écrasé de tant de chairs. Le temps de la visite était à la m Le temps de la visite était à la mesure de l’exiguïté du lieu. Bien sûr, le visiteur pouvait s’octroyer un long moment de prière, à l’abri de tout témoin vivant, seul face à la croix, seul face à sa foi, pure et sincère. Et si d’autres profitaient de la solennité du lieu pour s’asseoir parmi trois courtes rangées de chaises dépareillées, c’était peut-être pour s’y reposer d’une trop longue étape. Mais la plupart des curieux qui avaient franchi le seuil ne restaient plus de cinq minutes, tant la tristesse de la chapelle vous écrasait de désespoir. De ce lieu de prière, griffé de chagrin et de larmes, toute énergie s’était enfuie.

Alors, on retrouvait bien vite le dehors, l’air des champs, des vignes et des bois. Ravi de respirer de nouveau parmi la sainte, la puissante nature. Et elle entrait alors en vous par d’odorantes bouffées, après  une longue inspiration  qui vous gonflait de forces neuves. Toute une énergie bourdonnait alors à vos oreilles : chanson des ruisseaux, des arbres, écho des feuilles murmurantes. Eclairs de soleil traversant la ramure, zébrures d’oiseaux trouant l’azur.

Contraste saisissant entre une nature offerte, radieuse, explosive et l’intimité d’un lieu saint qui avait jeté sur nos deux personnes sa chape de plomb fondu.

Et dans ce panthéisme verdoyant aux mille variations colorées, parmi la fraîcheur printanière, Margareth et moi nous nous embrassâmes. Heureux de se retrouver en plein air. Puis, l’on s’assit tous deux dans l’herbe tendre, après avoir déplié une couverture de laine.

 

 

II

 

La chapelle des Sœurs de la Charité avait connu pourtant ses heures de gloire et d’affluence. On y était venu pour prier le Christ, ses apôtres mais aussi ses saints locaux : Le Père Clément, frère convers détaché de l’abbaye de Cîteaux et Saint Vincent, patron des vignerons, humbles forçats de la terre.

J’appris à Margareth que la statuette de Saint Vincent avait été dérobée à plusieurs reprises. Sculptée dans un bois d’aulne au départ, elle fut maintes fois remplacée, puis protégée derrière une grille, enfin scellée. Rien n’y fit. Les voleurs n’avaient aucune âme. La niche qui abritait la statue était toujours là, tel un vestige inutile, dent creuse qui n’avait plus d’attrait. Le renfoncement concave abritait désormais une colonie d’araignées attendant le moindre insecte échappé d’un bouquet, la plus petite mouche téméraire étant venue y sceller son destin, devancer la mort.

Le saint patron de la vigne, à l’origine sans doute espagnole, ainsi que ses copies multiples devaient trôner quelque part en d’autres pays, sur le bureau d’un bourgeois, dans un cabaret près des docks ou bien chez un quelconque recéleur, passant pour un noble antiquaire.

 

Margareth fut surprise d’apprendre que dans toute la Bourgogne, ce n’étaient pas moins de trois mille statuettes, effigies de plâtre, représentations peintes, modelées, tournées à la main qui avaient disparu. Le commerce de ce saint avait connu bien des avatars, bien des tribulations.

Saint Vincent protégeait la vigne des intempéries meurtrières pour les bourgeons, la fleur ou le raisin, Saint Vincent luttait contre les maladies, éloignait les charançons, le court noué, la pyrale. Il tuait sans barguigner les hannetons devenus adultes, localement appelés aussi cancoines, turcs, engraisse-poules, vers blancs, coteriaux et coterias, toutes ces larves nuisibles avant leur métamorphose. Saint Vincent éloignait des dangers aériens et souterrains, aidait les vers à mieux aérer la terre, tuait les cochenilles, les nuisibles, vous débarrassait du phylloxera, du mildiou, de la gale, de l’oïdium.

Le bon Saint Vincent se retrouvait, par la grâce de Dieu tailleur, ingénieur, laboureur, économe, régisseur, producteur, entrepreneur en management. Lui seul pouvait contribuer à commander dame nature. Selon le principe d’un philosophe anglais, on ne commandait à la Nature qu’en lui obéissant.

Le saint aux mille armes, aux mille et un talents menait des armées d’animaux souterrains pour venir en aide à des millions de ceps. Et ces centurions des ténèbres, ces vers que l’on croyait par leur vilaine forme mauvais voire suppôts de Satan, vous amélioraient le spectre racinaire de la vigne, la nature même de votre terrain, de votre climat ; ils creusaient et labouraient inlassablement des milliards de galeries souterraines. Sous trois étages invisibles, la faune épigée, endogée et anécique livrait un combat silencieux contre les bactéries, broyait et digérait le moindre déchet organique, réduisait en poussière de terre animalcules, débris végétaux, cadavres minuscules d’insectes, de larves, de cirons pour créer dans un merveilleux ballet nocturne ce miracle : un trésor né d’une alchimie contre les forces infernales  et qui donnait à la vigne son substrat vital : un éternel regain, qui était l’âme du raisin.

 

Margareth, ma compagne australienne, avait compris que Saint Vincent avait redonné aux bourgeons, fleurs et feuilles de la vigne un désir d’espérance que confirmait chaque printemps. Tant et si bien que les saisons déroulaient  l’une après l’autre le doux tapis roulant de la vie.

Malheureusement, cette peinture agreste, ce tableau idyllique propre à vous faire croire à tous les dieux du terroir, ne montrait que la face d’un âge d’or qui  n’existait que dans les rêves.

Le bon Saint Vincent, tout réel qu’il fût, ne pouvait pas toujours être au four et au moulin. Ce saint patron des vignerons doté de pouvoirs surnaturels avait aussi ses faiblesses, car  tout sujet est faillible - à part Dieu, s’il existe…

Les pouvoirs supranaturels du religieux né à Saragosse vers l’an de grâce trois cent quatre ne franchissaient pas toujours les Pyrénées pour venir lutter contre tous les fléaux de la viticulture, ces noirs Sarrasins, ces Maures pesteux qui avaient envahi les terres de Bourgogne. Saint Vincent, machine de guerre antiparasitaire, n’en pouvait mais contre les attaques foliaires de l’oïdium, ces ennemis ravageurs venus du diable-vauvert !  

On ne pouvait empêcher la pluie de tomber, des murs de pluies grasses qui tombaient sur la fragile fleur de la vigne. On ne pouvait pas toujours empêcher de nouveaux parasites qui faisaient leur nid sous le tendre feuillage, déposaient leurs œufs mortels, leurs larves cruelles – micro-bombes à retardement. Autant de grenades offensives qui fleurissaient en silence tandis que le brave vigneron dormait, abruti par de longues, éreintantes heures de labeur. Imaginez cet homme adulte, simple tâcheron ne possédant pas le moindre arpent de terre, cette femme ou leurs enfants, qui de l’aube au crépuscule maniaient le fessou, bouèchaient d’abord avec la mielle, taillaient la vigne et autres dures tâches. On avait beau appeler Saint Vincent, invoquer son doux nom, il n’était pas présent à cinq heures du matin, sur une ouvrée,  pour y donner le premier coup, puis assurer le fossoyage, suivi de la tierce ou du binage. La pioche à deux dents pour le premier coup vous cassait le dos ; puis votre fessou en manche de châtaignier pour  les autres  bouèchages ne vous rapportait qu’une menue monnaie. Et Saint Vincent n’était toujours pas là au crépuscule, derrière votre dos, pour soulager vos maux, ni essuyer la sueur coulant de votre front.

Son ombre, peut-être…qui vous répétait à l’envi : « Bouèche, mon gars, bouèche, si tu ne veux pas crever de faim ! » Et quand le fessou se retrouvait dégarni d’acier, il fallait bien le payer six sols quand il se retrouvait usé par la pierraille, tous ces cailloux et ce sol dur. Retourner la terre, l’ameublir et l’assouplir, et cela trois fois l’an avec un outil de fortune vous épuisait le plus solide des hommes.

 

 

A ces derniers mots, mon auditrice frissonna. Mais Margareth, d’un signe discret, m’encouragea à continuer ma narration.

 

 

III

 

 

« Et quand la pluie vous avait épargné, parfois c’était le gel qui vous assassinait ! Gerçures, engelures, crevasses, toux, quintes et fièvres s’emparaient de tout votre corps. Sol gelé, vigne givrée, rameaux tués. Sève absente, pas le moindre souffle vital. Puits et rivières prisonniers de la glace. Et encore les brouillards, le dégel, la gadoue, suivies de terribles chaleurs… Il fallait être fort pour vivre et résister.

Saint Vincent répondait quelquefois absent. On l’implorait, conjurait le sort ; la grêle affreuse s’abattait soudain, crevant le raisin, lacérant le feuillage, brisant le moindre sarment. Alors, laissant échapper sa colère, l’ouvrier prenait la statue de bois du saint, la jetait dans la Vouge ou la Bouzaise, à moins qu’il ne retournât la face du saint patron contre le mur de l’église durant la procession de janvier.

-        Où es-tu Saint Vincent, patron des vignerons ? Où donc es-tu passé, tandis que nous souffrons ?

Ce seul distique lâché dans la froidure hivernale ne trouvant pas d’écho, on s’en retournait tête basse au logis, trahi, floué par la vie. Une protection tant souhaitée, tant attendue n’était-elle qu’un leurre ? Etait-ce possible que sous le patronat du meilleur des saints protecteurs de la vigne, la défection de ce dernier soit envisageable ?

     - O bon saint Vincent pourquoi m’as-tu abandonné ? O Saint patron de la vigne, par Bacchus dieu du vin, pourquoi délaisses-tu tes humbles serviteurs ?

Et jamais de réponse à la question posée. Plus jamais de repos ni de cesse. Jamais, jamais.

J’appris alors  à la jeune journaliste qui m’accompagnait, que quand la trahison vous blesse, que vous vous retrouvez totalement démuni face aux injustices de la nature, une solution paraît alors la bienvenue : un remède bien plus efficace qu’un cautère sur une jambe de bois. Un remède à vous faire danser les sabots, tourner la tête et vous distraire : un pot de bon vin de chardonnay aux arômes fleuris, voire une pleine pinte de vin mordant d’aligoté,  à moins que ce ne soient quelques mesures de pinot beurot, ou de pinot franc rutilant. A la condition de les partager avec vos semblables, humbles travailleurs de la terre.

Par la grâce de cette  manne versée dans les verres,  toute injustice  et malheurs passés semblent peu à peu s’effacer. Le vin réparateur va ravir les gosiers, réchauffer les ventres, allumer les yeux. Et quelques gorgées plus tard, courbatures oubliées, rides envolées, fusent les rires. Les corps se mettent à vibrer, rassérénés par le miracle de cette liqueur vermeille qui se propage dans vos veines. La modeste ivresse partagée vous apaise l’esprit et l’âme - peut-être même sous le regard de saint Vincent - avant de vous endormir sur la table, tête dans les bras, pour quelques heures.

Il est encore possible que cette scène idéale ne soit qu’un effet de l’imagination. Au cabaret des princes, les gueux n’y ont place, c’est certain.

Une horrible piquette a pu vous être servie - boisson âcre, acide, amère. Les tâcherons qui produisent au bout de l’été par leurs incommensurables efforts le vin enchanteur n’ont que rarement le loisir d’y goûter. Peut-être y ont-ils trempé leurs lèvres, respiré les bien doux arômes, virtuels… Impénétrables sont les territoires de l’imaginaire, cette folle du logis qui vous saoule. 

 

Margareth, émue par mon récit, et toute attentive à ces histoires du passé, hochait de temps en temps la tête. Captivée, semblant boire mes paroles qu’elle enregistrait sur son petit magnétophone portatif, elle m’incita à poursuivre.

 Et si Monsieur le curé n’a pas le droit de faire la grimace en buvant devant ses ouailles le vin du bon Dieu, lui se permet, à la face de tous, tous les dimanches, de savourer une exquise liqueur, de préférence translucide, afin de ne pas tâcher son habit. Suave Montrachet, fringant Corton, Meursault enchanteur, Saint Aubin minéral. Tous ces vins blancs de chardonnay pour démontrer  - preuve à l’appui - aux humbles croyants rassemblés le dimanche, une possible idée du bon Dieu. Toutes ces richesses liquides afin de prouver – par démonstration in situ, la puissance divine. Et les pécheurs du dimanche de baisser la tête, tentés par le diable. Pour une simple gorgée de ce nectar, combien auraient été capables en pensée de tuer l’officiant, de lui faire rendre gorge, d’étrangler le représentant du bon Dieu…Sacrilège ! Par bonheur, Saint Vincent y pourvoyait.

Et Monsieur le Curé de lever vers le seigneur ses yeux clos, afin de mieux entrer en communication avec le divin. Instant sacré, un homme boit. Communication directe aux arômes de tilleul, de silex ou de pamplemousse. Aux effluves de rose, de beurre frais, de sauge ou de citrons mûrs. Aux accents enchanteurs d’immémoriales saveurs sorties tout droit d’un calice en or pur.

Heureux soient les buveurs à qui ces bienfaits sont accordés, car le royaume céleste leur est ouvert en permanence. A toute heure du jour ou de la nuit. 

 

Avec un tel récit, si sombre et subjectif, je me dis alors que Margareth allait avoir une vision bien noire de la Bourgogne. Aussi, je terminai là mon discours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 12:19

La notion de terroir se définit par rapport à ses propriétés agrobiologiques, mais aussi par sa dimension géographique et climatique.  La Bourgogne, « c’est une terre, comme le dit Pierre Poupon, où se sont accumulés les offrandes et les legs, une terre noble, une terre dont les veines patriciennes savent saigner au soleil. »

Et les grappes de pinot noir issues de ces climats bourguignons présentent une couleur de jais, une teinte bleuâtre sous une légère poudre blanche qui les pare de son lustre. Cette pruine poudreuse contient en elle-même du soufre naturel.

 

Et que soufflent les vents de mon imaginaire, que souffle un vent doux sur les vignes,  vents revenus d’autres voyages, vents devenus vignaginaires.

 

 

Vignes, vins, vie & volupté : le V de mon nom coule dans mes veines. Œuvre vibrante, vivacité liquide, rouge, chaude, épaisse…

 

Ô vin ! Admirables effets des ferments de ton corps, flammes rousses qui dansent au fond de ce creuset ; verre éclairé de saveurs intimes, ce pinot contenu dans sa gangue de verre…

Et dans ce souffle solidifié qu’est le verre, je me promène dans la vigne, alors qu’enfermé dans ma chambre, mais libéré !

 

Le vin me parle, je l’écoute et l’entends.

Ensemble, nous  trinquons, feu roulant dans mes joues, sur mon palais et ma langue. Oui, nous partageons la même langue, liquide, sonore, fricative…

 Grâce aux verres de contact, nous tenons dialogue en mon palais.

 

 

 

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 12:12

Et que soufflent les vents de mon imaginaire, que souffle un vent doux sur les vignes,  vents revenus d’autres voyages, vents devenus vignaginaires.

 

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 10:09

 

Sans un verre de vin à la main

Qui peut dire que la vie est belle ?

Avoir vécu sans Chambertin ?

Je ne connais sort plus cruel !

 

Sans un verre de vin à la main

Qui peut dire que la vie est belle ?

Tu n’es pas sûr de voir demain

Alors bois, heureux et rebelle !

 

Sans un verre de vin à tes lèvres

Ton corps va tôt se dessécher

Tu vas connaître bien des fièvres

De n’avoir pas bu c’est pécher !

 

Ton nez remue ton corps s’agite

Quand tu bois sans souci vraiment

Le vin frais est comme une invite

Chaque bouteille un talisman.

 

Tendre son verre et puis trinquer

Partager les regards complices

Chacun le fait sans rien manquer

Du temps présent  ô quel délices !

L’ivresse n’est pas chose impure

Si l’on sait tenir la boisson

Et chacun  mène sa monture

A chaque gorgée sa leçon.

 

Sans un verre de vin à la main

Attendez-vous à un enfer

Car qui n’a jamais bu de vin

Trouvera la vie bien amère.

 

Je vous le dis buvez sans cesse

Dégustez  prenez du plaisir

Et vivez donc dans l’allégresse

Du vin dont il faut se réjouir !

 

Sans un verre de vin à la main

Qui peut dire que la vie est belle ?

Avoir vécu sans Chambertin ?

Plus grave que mourir pucelle !

 

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27 février 2013 3 27 /02 /février /2013 21:42

Palpitent les petits bonheurs

Au creux du nid

Puis s’envolent vers un ailleurs

Un paradis

 

Effaçons-nous comme une haleine

Sur le carreau de nos vingt ans

Le torrent refuse nos peines

Aveugles sont les sentiments

 

Oublie tes yeux dans la rivière

Ils iront loin

Et toi sur la berge de pierre

Tu me rejoins

 

Au fil de nos scènes secrètes

Un doux silence

Deux colombes aux ailes discrètes

Un bruit d’enfance

 

Héraclite a plongé dans l’eau

Sa tête chauve

L’Histoire s’est noyée dans les mots

Et tu t’ensauves

 

L’amont dévoré par l’aval

O pauvre amant

Vieil arlequin de carnaval

Jeune printemps

 

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